Notre balance et nous...une relation Toxique !
Dans Psychologies Magazine, édition d'avril 2008, p. 224
La
balance nous communique notre poids mais aussi toute une série d'idées
fausses et de croyances toxiques. L'objectif : les identifier pour mieux
les neutraliser, afin de rétablir une relation apaisée avec notre corps
et notre alimentation. Explications et conseils de Gérard
Apfeldorfer, psychiatre et psychothérapeute. Par Flavia Mazelin Salvi
Qu'elle affiche - 4 kg ou + 500 g, la balance ne se contente pas de nous donner notre poids. A la manière des professeurs lors des conseils de classe, elle nous délivre avertissements, blâmes ou félicitations. Car cette machine, que l'on croit parfaitement fiable et objective, génère ou entretient une série d'idées fausses sur notre relation au corps, au poids et à l'alimentation. Son pouvoir et notre dépendance seraient moindres si seulement nous n'avions pas donné à ces quelques
centimètres carré de plastique et d'aluminium le statut de juge suprême. L'antidote à cette relation empoisonnée? Identifier une à une nos croyances erronées pour mieux les abandonner, afin de rétablir une relation plus juste, plus confortable et plus réaliste avec notre corps, notre poids et notre image.
Elle prétend connaître notre poids idéal
Tout commence avec un fantasme : atteindre ou retrouver notre poids idéal.
Or, le poids idéal que l'on vise est rarement notre poids naturel,
c'est-à-dire notre poids d'équilibre ou de confort. Le poids idéal est souvent celui atteint après des régimes drastiques, ou celui jamais atteint et que l'on poursuit toute sa vie. Le problème est que la notion-même de poids idéal est soutenue par le corps médical, souligne G. Apfeldorfer, spécialiste des TCA : « Les médecins se réfèrent à l'IMC. Or, ce calcul est effectué à partir de données épidémiologiques – c'est-à-dire sur l'ensemble de la population – qui ne sont pas transposables aux individus. Elles ne tiennent pas compte de l'histoire pondérale, du mode de vie, ni de l'héritage génétique de
la personne. » Résultat : en élisant un chiffre « magique », qui symbolise à la fois notre poids de beauté et notre poids de santé, nous transformons le pèse-personne en caisse de résonance de données fausses et anxiogènes. Conclusion ? « Il ne faut pas perdre son temps et sa santé à courir derrière le poids idéal, conseille le thérapeute. Mieux vaut plutôt rechercher son poids d'équilibre. Celui que l'on appelle aussi poids naturel, dans lequel on s'installe durablement et sans effort quand on est vraiment à l'écoute de ses sensations corporelles et alimentaires. »
Elle stigmatise nos fluctuations de poids
Oui, et alors ? Nous sommes tous soumis à une relative instabilité pondérale. Par exemple, nous sommes plus légers à la sortie de l'été (alimentation moins riche et dépense physique plus importante) et plus lourds à la sortie de l'hiver (pour les raisons inverses). Mais la chimie
de certains aliments joue aussi : le mélange glycogène (réserve de
sucre)- eau occasionne des variations allant d'1 à 3 kg en l'espace de
12 à 24 heures !
Passé ce laps de temps, nous retrouvons notre poids
initial.
Autre facteur : notre niveau d'hydratation. Moins l'organisme est hydraté, plus le corps retient l'eau. Le stress peut
aussi provoquer un stockage excessif. La reprise d'une activité sportive entraîne également une prise de poids (entre 1 et 3 kg). Soit la graisse est remplacée par le muscle (plus lourd), soit on s'est musclé sans avoir maigri.
Autre cause de fluctuation
: les « craquages » alimentaires après un régime drastique. Chaque fois
que vous mettez le corps en restriction alimentaire, vous activez une
carte de mémoire de défense de l'organisme. Celui-ci va se mettre en
mode « stockage en prévision de la famine » pour lequel il est
génétiquement programmé. Ce qui explique pourquoi 400g de viennoiseries
produisent parfois 2 kg de plus sur la balance !
Enfin, n'oublions pas les hormones,
qui, chez les femmes surtout, font fluctuer le poids. « La graisse
s'installe lentement et elle disparaît lentement, avertit G.Apfeldorfer. Il est donc vain de se mettre au régime quand on prend 3 kg en une semaine, les variations rapides proviennent toujours de mouvements d'eau ! »
Elle nous fait croire qu'un bon poids, c'est un beau corps
Et c'est un mensonge ! Ou, plus exactement, une interprétation dangereuse du rôle de la balance dans la construction d'une image de soi positive. « Si le bon poids est le poids d'équilibre, celui qui ne nous coûte pas d'efforts pour être maintenu et qui respecte notre morphologie, alors ce bon poids-ci fait un beau corps, précise G.Apfeldorfer. Un corps accepté, que l'on aime soigner et mettre en valeur, qu'il soit maigre, mince, rond ou gros ! Mais, la plupart de temps, lorsque l'on dit beau corps, on se réfère à la norme en cours ce qui est à la fois une aberration et la source d'une grande souffrance pour tous ceux qui en sont éloignés. » Par conséquent, en affichant un poids que nous estimons loin du « beau corps », nous plaçons la balance dans le rôle du surmoi intransigeant et tyrannique.
Et à cause d'une pensée magique, « Quand je pèserai 50 kg, je serai belle », nous nous coupons de nos sensations corporelles et nous nous privons du plaisir d'habiter un corps singulier.
Elle se prend pour un coach
La balance dans le rôle du coach alimentaire, ascendant père Fouettard!
« C'est l'une des croyances les plus désastreuses, déplore G.Apfeldorfer. La balance ne fait qu'entretenir des superstitions
dangereuses (« Il y a les bons aliments, peu caloriques, que l'ont peut consommer même de manière boulimique, et les mauvais, gras et sucrés, que l'on doit s'interdire ») qui poussent à la restriction cognitive (en contrôlant mon alimentation, je contrôle mon poids). » Il existe, selon le psychiatre et psychothérapeute, deux façons de manger : en se contrôlant ou en s'écoutant. La balance mène au contrôle, elle transforme le corps en objet potentiellement dangereux, que l'on doit
surveiller et contraindre. Tandis que l'écoute des sensations alimentaires et corporelles fait au contraire de notre corps un
partenaire, et non un adversaire. « Le nouveau puritanisme qui règne sur la nourriture a pour effet une moralisation de l'alimentation : la surcharge pondérale, même légère, signifie que l'on s'est laissé aller à de coupables plaisirs et que l'on doit remettre de l'ordre dans sa vie! » observe G. Apfeldorfer. S'ensuivent alors des privations aussi excessives qu'inutiles, car on sait aujourd'hui que les régimes draconiens « cassent » le métabolisme et se soldent, à plus ou moins court terme, par une prise de poids supérieure à la perte.
Elle veut toujours avoir raison
Et nous la croyons parce que nous faisons une confiance aveugle et erronée aux chiffres : « Ils ne peuvent pas mentir », pensons-nous. A tort. « Ce poids qui s'affiche n'est pas une vérité scientifique, insiste G. Apfeldorfer. La balance ne peut pas avoir raison, car chaque être est singulier. Sa morphologie, sa génétique, son mode de vie, son histoire le rendent unique. Or la balance ne dit rien de cette complexité, elle réduit l'être à un tas de kilos ! » Dans tous les cas, prévient-il, s'en remettre à une machine et dépendre d'elle nous privent d'une liberté essentielle : celle qui consiste à se faire confiance pour faire les choix de vie que l'on estime généralement de bien-être physique et psychiques. En fonction de son ressenti personnel.
F.M.S
Conclusion, mieux vaut comme repère un jeans bien ajusté, plutôt que cette satanée balance !
A Méditer ....